1) Une exposition de 21 caricatures à l’origine des origines

« L’origine avec du poil autour »

La caricature dans une démocratie est un thermomètre indispensable. Sa capacité à être acceptée dans nos sociétés définit l’essence même de la liberté de la presse, pour qu’elle joue pleinement son rôle de quatrième pouvoir.

L’œuvre de Gustave Courbet a toujours trouvé auprès des caricaturistes d’hier et d’aujourd’hui une filiation heureuse. Sa peinture est protéiforme comme la pensée des dessinateurs de presse épris de liberté.
Aujourd’hui, rassemblés au Théâtre des Sources, leur rencontre est vivifiante. Berth, le bisontin le démontre. Toujours en effervescence libertaire, il est partenaire et concepteur de l’affiche de cette exposition de caricatures du célèbre tableau de Gustave Courbet « L’Origine du monde ».

2) Un conte

« La Liberté est un exil, j’ai choisi d’être libre »

Vendredi 9 mai 2014, à 20h30
Un conte construit et imaginé à partir de l’oeuvre de Gustave Courbet « La pauvresse de village ». La réalité sociale est parfois cruelle, silencieuse, tellement plus obscène qu’une caricature en papier.
Le Théâtre, même très modeste, se doit de tenter de l’énoncer, sans gravité excessive, pour que surgissent les solidarités naturelles inhérentes à nos humanités, voilà notre but.

3) Une randonnée

« Dans les grottes, il fait toujours bon »

Les samedis et dimanches, itinéraire donné sur papier
Ici les grottes se voilent de quelques feuilles au gré des saisons, elles nous accompagnent, nous énoncent dans le vent, nous rappellent notre éphémère. Inlassables, elles sʼoffrent à nous, à nos dessins, à nos plaintes, nos rires, nos déclarations si vite obsolètes.
Rien ne nous sera épargné, nous sommes libres dʼêtre tous égaux.

Caricaturer ou penser à partir de L’Origine du monde

Sans faire pédagogie, rappelons  que l’une des modalités de la caricature consiste à jouer sur les situations, ici celles où le tableau de Courbet se trouve placé, réinséré ainsi dans de nouveaux réseaux de sens. Les caricatures de L’Origine du monde ici présentées peuvent agacer, choquer, plaire, faire rire, réfléchir, et sans doute bien d’autres choses encore. On peut aimer certaines d’entre elles, détester d’autres. Ce sera sans doute, comme pour moi, le cas du visiteur de cette exposition.

Que nous disent ces images ici rassemblées, sans vouloir en imposer un sens, chacun construira le sien.
Tout d’abord le corps féminin, son image, comme objet d’excitation sexuelle et rarement sujet érotique, aussi comme marchandise à consommer dans un commerce des corps (prostitution, industrie pornographique) ou une agression. Il y a là tout à la fois une sorte de parenté et de brutalité avec le tableau de Courbet. Parenté en ce que ce tableau choqua, très tard puisque longtemps caché, derrière un rideau dans une salle de bain ou d’autres tableaux. Mais ce qui peut nous choquer dans ces caricatures c’est moins les images que ce qu’elles entendent dire, sans doute. Si la sexualité s’éprouve dans un rapport à l’autre, l’expérience peut être vue là comme brutale dans une altérité réduite à son sexe, dans une suspension des rituels liés à l’amour et à la séduction. Est-ce là un état du monde qui, à partir de Courbet, est montré ? On pourrait aussi penser que cette brutalité se niche dans une lecture renversée du tableau lui faisant perdre la dimension universelle qui lui a été parfois attribuée, notre condition commune de venir de là. Mais aussi que cette lecture la redéfinit, nous renvoyant à notre condition corporelle, ses fluides et ses pulsions.

Faisant du corps de L’Origine un  corps enfantant,  certaines caricatures le posent dans les controverses actuelles autour de la filiation et des modalités de constitution de modèles familiaux. Mais aussi dans la question de l’identité, droit du sol versus droit du sang, autrement dit ce que l’origine permet comme communauté humaine d’appartenance. Où s’originent nos mondes sociaux, et qu’enfantent-ils ?

Certaines des caricatures questionnent la possibilité même de la représentation de la nudité féminine, la peindre peut-il être assimilé à une expérience sexuelle ? Elles interrogent en acte l’image et ses mécanismes comme ceux de la synecdoque -prendre la partie pour le tout, ici la tête pour le corps- ou de l’équivalence des mots.

Comme les peintures de Courbet, ces caricatures nous parlent du commerce entre les humains, de la vie, du langage.
Noël Barbe, ethnologue, CNRS

Article de l’Est Républicain, du 24/03/2014, par Paul-Henri Piotrowsky

L’esprit libertaire contre la censure

Le Théâtre des Sources de Nans-sous-Sainte-Anne propose un parcours aux sources de la liberté. À découvrir en avril et mai.

Philippe Cormery, l’astucieux directeur artistique du Théâtre des Sources de Nans-sous-Sainte-Anne, est de retour avec quelques programmations pour le moins originales et politiquement incorrectes, comme il les aime.

« Depuis 1996, mon équipe et moi-même oeuvrons autour de deux axes principaux: l’accueil d’artistes résidents et la création. Le théâtre est un lieu de fabrique. C’est un outil formidable pour ouvrir l’esprit du public. Et il en redemande, puisque tous les spectateurs qui sont venus une fois ne peuvent plus s’en passer. Ils nous sont fidèles et amènent toujours d’autres curieux avec eux. »

Une exposition « qui risque de faire parler d’elle »

Ces personnes risquent fortement d’être comblées tous les prochains weekends d’avril et mai. Les relations privilégiées que Philippe entretient avec Berth, célèbre caricaturiste qui collabore avec nombre de revues satiriques, ont mené les deux hommes à imaginer une exposition d’un nouveau genre.

En effet, « L’origine avec du poil autour » regroupe 21 caricatures exécutées par des dessinateurs comme Berth, bien entendu, mais aussi par deux femmes : Coco et Willis from Tunis.

Les caricatures rendent hommage au travail du peintre épicurien Gustave Courbet d’une manière originale « qui risque de faire parler d’elle », comme le prévoit Philippe.

Cette exposition est associée à un conte, « La liberté est un exil. J’ai choisi d’être libre » et à une randonnée « Dans les grottes, il fait toujours bon ». De 15h à 21h, les samedis et dimanches, le public sera invité à « voyager » parmi les dessins, à parcourir la nature jusqu’à la source du Lison, le Creux Billard et la grotte Sarrazine que Courbet a représentés dans ses tableaux.

Là où Courbet a puisé son inspiration

« L’effervescence libertaire de Courbet a toujours trouvé auprès des caricaturistes d’hier et d’aujourd’hui une filiation heureuse », ajoute Philippe. « Réunis, ils sont un rempart contre l’obscurantisme, la censure, l’assujettissement au dominant. Ils se donnent à voir dans le lieu même où Gustave Courbet a puisé son inspiration. Même si l’on aime la satire, peut-être pour conjurer la peur du noir muet de nos origines, il faut en convenir, nos Dames sont des grottes merveilleuses où coule une source luxuriante. Nous les chérissons pour l’éternité. »

Article du blog de la Loue et des rivières comtoises, du 13/04/2014, par Isabelle Brunnarius

L’origine du monde de Gustave Courbet, source de caricatures !

Partager