J’ai beaucoup à faire, ces temps-ci, et nous venons de vivre deux ou trois journées inoubliables et terribles de bataille. Je n’en ai pas parlé à Delphine, sinon de façon très vague en lui laissant croire que je n’avais couru aucun danger, alors qu’au contraire, j’ai vu la mort de bien près. J’ai eu 8 hommes tués dans mon peloton, dont l’adjudant et deux sergents. Le champ de bataille avait quelque chose de grandiose et de terrible avec ses morts et ses blessés qui râlaient… De la cervelle, des caillots de sang, des mares de sang, dela boue… Pour l’heure, je ne puis rien fixer, mais ces sacrés boches sont de rudes soldats et terriblement fortifiés.

Mes hommes ont été admirables. Ce qui m’embêtait le plus, c’était de me lancer à l’assaut avec, pour toute arme, ma canne, et un revolver sans cartouches. Impossible d’en trouver, et demain je puis en avoir besoin. je prendrai un fusil comme mes hommes pour me lancer sur la trancher boche. Ci une photo, que j’ai fait faire à Verdun, lors de mon passage quand j’étais adjudant. Elles sont rares. Garde-là en souvenir de moi, car je ne me fais pas d’illusion, si nous réattaquons, j’ai cinq chances contre une d’y laisser ma peau. Au revoir, cher vieux, fais-moi l’honneur de penser que, si j’étais un peu ému à la vieille du combat, au moment de partir à la tête de mes poilus, j’y allais comme à une fête et eux aussi.

Je t’embrasse de tout mon coeur, toi, ta femme et ta gosse.

Louis Pergaud Parc Micaud Besançon

Louis Pergaud
Parc Micaud Besançon

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